La SNCF. L'évocation de ce nom éveille en moi le frisson de la plongée dans l'abyssale médiocrité de ce que les commerciaux peuvent produire de pire. De la disparition d'une grille tarifaire lisible à l'inanité du pire site e-commerce français : Voyages SNCF. On ne parlera pas aujourd'hui de la débilité crasse de la SNCF de ne mettre aucun horaire sur ses sites web, tout ça pour apporter plus de trafic à son agence de voyage en ligne, la fameuse filiale à structure 100% privée voyages-sncf.com, selon la fameuse technique du "service public dans ta gueule" inaugurée par Jean-Marie Metzler (à lire, c'est fou le chemin qui n'a pas été parcouru en 16 ans). Non, aujourd'hui, parlons du fameux billet de train.

Au début, on avait le billet, pour aller d'un point A à un point B dans une classe de confort donnée, billet couplé de manière facultative à une réservation. Simple. Arrivent les périodes bleu, blanche et rouge ; arrivent aussi les trains à réservation obligatoire : les TGV. Adieu flexicurité, le billet doit être pris pour un horaire donné, ce qui en même temps est plus simple, vu que les grilles tarifaires ont depuis longtemps disparu. Un système d'échange est mis en place avec divers modes de calcul des retenues, ainsi que des possibilités de se décaler d'un train (sans toutefois profiter de la place réservée évidemment), et arrive septembre 2007 avec la mise en place des nouveaux tarifs innovants, avec la remise à plat de ces conditions. Pour le tarif innovant Loisir, tout dépend du degré d'innovation entre le Loisir Normal, le Loisir Preum's, et les autres, trop difficile à suivre. Concentrons nous donc sur le tarif Pro ; pour cela, agissons en internaute bien constitué, allons sur le site institutionnel de la SNCF, après tout c'est la SNCF qui fixe les conditions tarifaires. On est accueilli par une bouse en flash, heureusement, un accès web existe. Cherchons maintenant les informations sur les principes de tarification... Que trouve-t-on ? Des tarifs plus lisibles : autocongratulation, inventaire des tarifs ("les Petits Prix (Prem’s, Promo, Bons Plans du net,…) ; les billets Loisirs, dont le prix varie en fonction de la date d’achat et de la fréquentation des trains ; les billets Pro, qui associent davantage de flexibilité et un accès à des services dédié", on remarque au passage qu'on a ressorti les Prem's du tarif Loisir), aucun lien vers le détail. Faites vos prix ! : litanie d'appellations d'avantages, sans détail, sans lien. C'est tout, ou alors c'est très bien caché : nullissime.

Tentons autre chose, allons sur le site TGV.com, après tout ce sont presque les seuls train à réservation obligatoire (en plus des Thalys, Eurostar, Teoz, Lunea...). Là encore, on est accueilli par une bouse en flash, et heureusement un accès web est fourni, sauf que, pour avoir le détail des conditions du tarif PRO, c'est Flash obligatoire, sans alternative ; à noter que l'on ne parle plus de tarif, mais de "billet TGV" : bienvenue dans la 15ème dimension du titre de transport sauce SNCF. On ne trouve rien sur la possibilité de prendre les trains précédents ou suivants : continuons la recherche. Retour au tarif Pro avec Voyageurs occasionnels : enfin ! après 45 minutes de recherche, l'internaute hagard découvre les conditions d'échange et de remboursement des billets au tarif Pro ; bien évidemment ces conditions s'appliquent à tous les tickets Pro et pas seulement aux tickets TGV, mais visiblement il était trop compliqué de l'écrire. Passons à l'étape suivante : tentons de retrouver dans ce dédale la possibilité de prendre le train précédent ou suivant, sans changer de ticket. Une piste sur la page Abonnement Fréquence : "Pour plus d'informations sur ces services, rendez-vous dans les rubriques Flexibilité optimale, Points de contacts et Services sur Mesure de la chaine Voyage Pro du site tgv.com". Une piste ! Reste à trouver la "chaîne Voyage Pro", moi qui croyait que les chaînes internet étaient mortes avec Active Desktop, ha ! Et là, alléluia, dans les 15 pages utilisées pour écrire 3 paragraphes de texte (on se croirait sur DVDrama), on trouve sur la page Accès dernière minute les conditions suivantes : "Votre réservation vous permet d'emprunter, au dernier moment (en respectant l'accès au train 2 minutes avant l'horaire affiché de départ), le TGV précédent ou suivant, vers la même destination, sans échanger votre billet". Joie, l'internaute a enfin mis la main sur cette information. Bon, après ce dédale navigationnel, on ne sait plus vraiment si cet avantage est lié au TGV, au tarif Pro ou à l'abonnement Fréquence ; mais ce n'est pas grave pour la suite.

Cas pratique : mardi 28 juillet 2009, n'ayant pas tout à fait fini ma presta, je décide de ne pas prendre le Paris - Vendôme de 19h30, mais le suivant. Problème : c'est le Paris - Vendôme. Non content d'être le trajet TGV le plus cher au kilomètre de France (et de Navarre), la SNCF décide joyeusement que 19h30 est le dernier train en semaine pendant l'été, donc... méthode agile pour dormir à Paris. Douze heures et vingt minutes plus tard, le TGV suivant pour Vendôme part. J'arrive en avance, je repère deux contrôleurs sur le Paris - Le Croisic et je leur pose la question : est-ce qu'avec mon billet TGV tarif Pro abonnement Fréquence carte Grand Voyageur, je peux prendre le TGV suivant sans échanger mon billet, sachant que mon billet est pour la veille, et que le TGV suivant est là ? Réponse : oui, c'est le TGV suivant, pas de problème. Avant de monter dans mon TGV à moi, je m'arrête pour demander aux deux contrôleurs quels vont être les wagons les plus vides, sachant que je n'ai pas de réservation étant donné que j'ai mon billet TGV tarif Pro abonnement Fréquence carte Grand Voyageur pour le train précédent celui-là et que ça ne pose pas de problème. Réponse : oui, mais le train précédent est la veille, donc ça ne marche pas, il vous faut acheter un billet. Ha, je discute en mentionnant la réponse donnée par les deux autres contrôleurs, et ils me répondent que oui, mais il faut bien des limites, si on ne limite pas au même jour, où va le monde, et est-ce que je ne trouve pas ça normal moi ? Ce à quoi je réponds que ce que je ne trouve pas normal c'est qu'il y ait plus de douze heures entre deux TGV pour une destination aussi banale et qu'en interrogeant 4 contrôleurs, deux répondent blanc et deux répondent noir. Ce à quoi le contrôleur en chef répond qu'il est désolé, mais que ses collègues sont en tort, et que c'est une faute de leur part, et en tout cas il me faut un autre billet de train. Et il a raison, parce que dans le train, le seul maître à bord : c'est lui, même quand il est en tort. Mais l'est-il seulement ? Une chose est sûre : ce n'est pas la SNCF qui a la réponse.