Suite à l'affaire de la "gifle" de Berlaimont, des voix se sont exprimées contre le principe même du contact physique dans l'éducation :

Le châtiment corporel est d'un autre âge, y compris administré par les parents. Accepter la fessée comme normale, c'est accepter le premier échelon d'une échelle qui peut amener très vite trop haut. Car la fessée ne fait pas mal, et l'enfant finira par ne plus en avoir peur. Il faudra aller plus loin. Et quand il aura quinze ans et mesurera 1m80, que va faire le parent ?

Eolas, Soufflet n'est pas jouer

Proscrit par la loi, je pensais (naïvement sans doute) que la châtiment corporel était en voie de disparition dans les mœurs.

(dans les commentaires) Bon, pour la gifle (définition littérale), vous la tolérez, ok. Ce n'est pas votre droit (puisque d'un point de vue pénal, c'est interdit – au même titre que frapper un autre adulte d'ailleurs) mais c'est votre avis et celui de beaucoup d'autres. Soit.

Ouinon, Les apologistes de la baffe

L'avocat nous parle de morale, et le moralisateur nous parle de droit. Essayons de démêler un peu tout ça. Tout d'abord, que trouve t'on sous le terme de "châtiment corporel" dans les textes ? Par grand-chose il faut bien l'avouer.

  • Une jurisprudence administrative : "que Mme X s'est comportée à l'égard des enfants avec brutalité, ayant usé à leur encontre de châtiments corporels, faits ayant entraîné une absence de relation pédagogique et une attitude déstabilisante pour ses classes maternelles et que son défaut de surveillance des enfants a mis leur sécurité en danger". Nous sommes dans le contexte de la mutation ("déplacement d'office") de Mme X ; Mme X contestait cette décision, et sa contestation a été rejetée car cette mutation était bien fondée. Le châtiment corporel n'est pas invoqué en tant que tel, mais en tant que cause de la rupture de la relation pédagogique.
  • Une jurisprudence judiciaire : "Le juge a considéré comme grave que la mère minimise la portée des souffrances de l'enfant âgée de 6 ans et demi dont le comportement aussi tumultueux soit-il ne justifie pas un châtiment corporel administré de surcroît avec violence." Le contexte est celui de la suspension du droit de visite de la mère de l'enfant, après constat de "présence d'hématomes sur les deux cuisses et la fesse gauche". On y trouve aussi la phrase suivante, sur laquelle on reviendra : " Toute violence est une atteinte portée à l'intégrité de la personne de l'enfant et est interdite ; elle ne peut jamais constituer une mesure éducative : l'enfant doit être protégé contre toute forme de violence ou de brutalités physiques.".
  • Une circulaire de l'éducation nationale : "Titre 3. Vie scolaire / 3.2. Récompenses et sanctions / 3.2.2. Ecole élémentaire / [...] Tout châtiment corporel est strictement interdit.[...]" Cette circulaire concerne uniquement les écoles maternelles et élémentaires, et est destinée à la mise à jour des règlements intérieur de ces établissements. On constate que la mention sur les châtiments n'apparaît pas dans "3.2.1. Ecole maternelle", c'est suffisamment évident pour ne pas être nécessaire.

Premier constat, ces trois textes se réfèrent à des enfants en âge d'être en maternelle ou en primaire. C'est sans doute dû au terme "châtiment", qui est un peu passé de mode et qu'on va réserver aux mineurs de ces classes d'âge. Alors, qu'en est-il de ce terme "châtiment" ? Dans le dictionnaire de l'Académie tout d'abord :

CHÂTIMENT
XIIe siècle. Dérivé du radical de châtier. Peine infligée en vue de corriger.
PEINE
Souffrance infligée pour une faute commise; châtiment, punition. [...] En termes de Jurisprudence, Sous les peines de droit, Sous les peines portées par la Loi.
CORRIGER
XIIIe siècle. Emprunté du latin classique, corrigere, « redresser », au figuré « redresser, réformer, améliorer ». [...]
4. Par ext. Infliger un châtiment physique. Corriger un enfant indocile. Par anal. Corriger un chien désobéissant, un cheval qui pointe. Fam. Battre, rosser. Il s'est fait durement corriger.

Par définition, le châtiment est donc une souffrance infligée pour une faute commise, dans le but remettre dans la rectitude celui qui a fauté. Par extension, on trouve le châtiment physique (attention, pas corporel), qui est d'agir physiquement et avec violence (cf. les termes "battre" et "rosser"). Pourquoi cette distinction physique/corporel ? Parce qu'on trouve dans le TLFi :

CHÂTIMENT
Punition sévère donnée à celui qui a commis une faute, pour le corriger. [...] Synon. peine, correction :
  1. Tout châtiment, si la faute est connue, doit être non-seulement médicinal, mais exemplaire. Il doit corriger ou le coupable ou le public. J. Joubert, Pensées, t. 1, 1824, p. 359.
  2. S'il n'accomplissait pas les prescriptions qu'il s'était imposées, il s'en punissait par des châtiments : corporels (se lever une heure plus tôt qu'à l'ordinaire) ou spirituels (se réconcilier avec un adversaire, ne pas lire un livre dont il avait envie). Arland, L'Ordre, 1929, p. 26.
PUNITION
B. − Peine infligée à quelqu'un pour une faute dont il est jugé responsable, dans le but de l'aider à s'amender, à améliorer sa conduite à venir.
SÉVÈRE
C - 3. Qui punit durement.

On a ici l'introduction de la notion de dureté de la peine impliquée par le terme châtiment, et aussi que "châtiment corporel" n'est pas synonyme d'action physique sur le fautif. Et tout cela nous amène à l'absence du terme "châtiment" dans les codes actuels, car comme on vient de le voir, le châtiment est une action éducative par la punition. Le châtiment corporel implique une punition sévère qui implique une implication corporelle du fautif : en ce sens, être au piquet pendant une heure est un châtiment corporel, être en prison est un châtiment à la fois corporel et spirituel.

Alors, on aurait le droit de châtier corporellement sans autre limite que cette circulaire et ces deux jurisprudences ? Evidemment que non, on a même encore le droit de punir pour éduquer (incroyable non ?). Revenons-en à la jurisprudence judiciaire : " Toute violence est une atteinte portée à l'intégrité de la personne de l'enfant et est interdite ; elle ne peut jamais constituer une mesure éducative : l'enfant doit être protégé contre toute forme de violence ou de brutalités physiques.". Ce qui est remis en cause, c'est la violence et la brutalité physique, qui sont distinguées, donc différentes. Une fois encore, revenons à nos fondamentaux. Dictionnaire de l'Académie :

VIOLENCE
Impétuosité, force non contenue.
IMPÉTUEUX, -EUSE
XIIIe siècle. Emprunté du bas latin impetuosus, « impétueux, violent », dérivé de impetus, « mouvement en avant, élan ».
  1. Dont la course est violente et rapide. Un torrent, un vent impétueux. Par ext. Un assaut impétueux.
  2. Qui ne sait pas se réfréner, qui ne peut être contenu
BRUTAL
XIVe siècle. Emprunté du latin médiéval brutalis, « qui est de la nature de la brute (en parlant d'une personne) ».
BRUTE
2. Personne dépourvue des qualités essentiellement humaines de sensibilité, d'intelligence, et s'abandonnant sans modération à sa violence instinctive et à ses appétits bestiaux.

Muni de ces définitions, on peut répondre simplement à cette question : peut-on éduquer en étant violent ? La réponse est évidemment non, car l'éducation est une formation, et on ne peut pas former sans être maître de soi. Deuxième question : peut-on gifler sans être violent ? Cette question ne s'applique pas au cas de la "gifle" de Berlaimont, car le professeur était dans un état d'impétuosité d'après les témoignages quand il a plaqué l'élève au mur. Je vous laisse donc avec cette question ouverte, et en attendant, n'oubliez pas : qui aime bien, châtie bien.