Charles de Gaulle, l'aéroport, pas la place qui accueille l'Etoile. Dans la longue file d'attente menant au contrôle des passeports, le sous-effectif est hélas une fois de plus criant. 5h15, arrivent et se mêlent les vols en provenance d'Abidjan, Brazaville, Canton, Cotonou, Douala... Shanghai. Multiplicité des langues, mais unanimité du silence pesant, tous assomés par les longues heures de vol et l'étouffante chaleur du lieu. RER B, métro 4. Ca parle français, arabe, anglais, mandarin... et d'autres langues que je ne reconnais pas. En cette heure toujours matinale le djeunz bourré est déjà rentré chez lui par le premier métro, et le djeune cadre dynamique est déjà dans les bouchons. Ca parle peu.
Métro 1, de retour à Charle de Gaulles, mais à côté de l'Etoile. Ca parle anglais, français, arabe, japonais, mandarin... et d'autres langues que je ne reconnais pas. A peine moins de sacs Vuitton que sur Nanjing dong lu, mais sans doute moins de contrefaçon, tout du moins dans les sacs ; pour les corps, on repassera. Ca fait pia pia pia dans ton corps et dans tes oreilles : la Sorbonne part à l'analyse du glam-pouf, Vuitton blanc ou Vuitton original, Omega ou Festina, Pomme de Pain ou McDo ? Ca vole haut, quand on est à la hauteur d'un puceron.
En fait, ce n'est pas de me mêler de ce qui ne me regarde pas qui me gêne. Après tout, on reste français. C'est ce bruit, ces conversations contingentes desquelles il faut s'isoler. L'étranger amène un filtre naturel ; il suffit de ne plus faire l'effort, et la langue de l'autre dans la rue devient un brouhaha enveloppant. C'est à la fois enivrant de pouvoir se concentrer en tout lieu, amusant de pouvoir insulter sans risque, et exaspérant d'entendre le franchouillard raconter sa dernière biture avec son accent américain à déchiqueter au sanibroyeur SFA. Alors lors du retour on se rééduque, et on prend livre et balladeur, pour retrouver son havre. Et finalement, la conversation du français qui-n'a-pas-compris n'a rien à envier à celle de l'über-français. C'est comme pour la blogopatate : si vous ne filtrez pas, vous risquez de finir dans une foule intelligente.
6 réactions
1 De karl - 04/10/2007, 02:55
« Aussi, à l’étranger quel repos ! J’y suis protégé contre la bêtise, la vulgarité, la mondanité, la nationalité, la normalité. La langue inconnue, dont je saisis pourtant la respiration, l’aération émotive, en un mot la pure signifiance, forme autour de moi, au fur et à mesure que je me déplace, un léger vertige, m’entraîne dans son vide artificiel, qui ne s’accomplit que pour moi : je vis dans l’interstice, débarrassé de tout sens plein. Comment vous êtes –vous débrouillé là-bas, avec la langue ? Sous etendu : Comment assuriez-vous ce besoin vital de la communication ? Ou plus exactement, assertion idéologique que recouvre l’interrogation pratique : il n’y a de communication que dans la parole ». Roland Barthes, L’empire des signes.
2 De Saperli - 04/10/2007, 10:08
c'est excellent, comme quoi la communication naît aussi d'un désir de se faire entendre mais pas forcément de comprendre...
3 De Damien B - 04/10/2007, 10:34
Il est bien ce monsieur Barthes... il est de la famille du footballer ? Est-ce qu'il a un blog ?
4 De Tif - 04/10/2007, 10:49
C'est drôle, je comptais citer Roland Barthes aussi! Je ne le ferai donc pas. Je déteste n'importe quel bruit maintenant. Rien de plus intéressant à dire!
5 De Florent - 04/10/2007, 12:09
La seule solution : le larzac, au milieu des moutons. C'est comme le métro, l'odeur de Channel en moins.
6 De So' - 05/10/2007, 15:44
C'est la raison pour laquelle je me suis achetée un iPod...