Je me garde mes résolutions derrière l'oreille et je vous livre, en exclusivité mondiale, ma prédiction pour l'année 2005 :
l'année 2005 sera l'année de la fin des blogs.
Le battage médiatique actuel autour des blogs est sans aucun doute le chant du cygne. Dans quelques semaines paraîtront les premiers articles franchement critiques, puis les blogs deviendront le summum du ringard. Ita missa est.
Une pièce en 12 actes :
- Janvier
Ca commence mal, on est en 2006... pas fait attention. On recommence.
Je me garde mes résolutions derrière l'oreille et je vous livre, en exclusivité mondiale, ma prédiction qui s'est réalisée pour l'année 2005 : (oui Pierre, moi aussi je l'avais faite cette prédiction, secrètement bien sûr, et avant toi il va sans dire)
l'année 2005 a été l'année de la fin des blogs.
Les blogs ont rejoint la place qui leur est dûe, une curiosité qui amuse encore quelques WC, pardon, quelques VC, et qui espèrent surfer sur la vague de la haïpe bloguique (deux qui la tiennent...). Même si je vais lasser mes deux lecteurs à force de faire toujours le même rappel, un retour sur ce qu'étaient les blogs, et en quoi le néoblog est une évolution et pas une révolution (d'autres utilisent le terme "innovation", comme quoi le sens de l'humour n'est pas réservé à une élite).
Au début, le "grand public" connut le téléphone, puis l'ordinateur et avec les modems (1962 pour le premier commercial, et 1977 pour le premier Hayes), les BBS. Les gens, pour les plus petits BBS, communiquaient l'un après l'autre, ou en direct avec l'opérateur du BBS.
En parallèle le "grand public" eut accès à l'internet des universitaires. Pas de ouais ouais ouais encore à l'époque, mais déjà le mail (début des années 70), les groupes d'échange d'information (avec la fameuse hiérarchie Usenet, 1979), la messagerie instantanée et les pièces à chat avec IRC (1988), et même des BBS accessibles par telnet. Il n'existait pas encore vraiment de moyens d'"avoir son site", Gopher n'est apparu que quelques années plus tard (1991), pour être très rapidement supplanté. A l'époque donc, pour laisser une trace actualisée sur l'internet, il fallait laisser son .plan accessible, ou squatter un groupe Usenet.
Puis il y eut Le Web, le seul, l'unique, le ouais ouais ouais. En 1993 était publié Mosaic, d'abord pour Unix, puis dans la même année pour Mac et PC. Il fut suivi par Netscape Navigarot, Internet Exploder et bien d'autres. Autres logiciels, autres moeurs, la foule grossissante utilisatrice Du Web a peu conscience de ce qui existait auparavant, et cet oubli ne fait que s'accroître pendant la grande décénnie de la démocratisation (1995-2005). Oui, la démocratisation s'arrête en 2005, c'est l'année où ma maman s'y est mise, année à marquer d'une pierre blanche donc. Avec le Web, l'internet est reconstruit brique par brique dans la tête du webonaute, qui va découvrir les technologies des vingt années passées avec émerveillement, ceci grâce au sommet de la technique actuelle : l'interface utilisateur graphique, clic à gauche, clic à droite, clic tout droit.
Revenons en à notre mouton, le bloug. Nous avons vu que précédemment, il était difficile d'avoir "son" espace sur internet. Ce que Gopher et HTTP/HTML apportaient de nouveau était un moyen de créer des espaces d'affichage de publication avec des mécanismes de navigation. Avant ces mécanismes, on pouvait bien évidemment s'envoyer des fichiers, en particulier avec FTP (1971-73), mais ils n'existait pas de moyen répandu de combiner la récupération d'un document, l'affichage de celui-ci et le moyen de se rendre facilement à un autre document : c'est ça le web. Une fois les bases en place, il ne reste plus qu'à le remplir. Parmi ces premiers sites, un certain nombre de journaux de bord du Web, mis à jour presque quotidiennement, qui lient les nouveaux sites et les nouvelles pages de ce World Wide Web en pleine enfance. Et comment dit-on "journal de bord" en anglais ? Logbook ou log en abrégé, voilà, vous avez le nom : ce n'est pas un journal quelconque diffusé sur le Web, mais un journal de suivi du Web (et comment le mettre ailleurs que sur le Web vu que les hyperliens ne fonctionnent que sur le Web ?). A mesure que le nombre de sites explose, il est impossible pour ces weblogs de suivre la cadence : ceux qui continuent s'éloignent peu à peu du but originel.
Au début du Web tout est statique, puis on couple les serveurs à des programmes, et ainsi se standardise la CGI (1995?). A partir de ce moment, tout est possible, la CGI c'est le RPC du pauvre, il n'y a plus d'obstacle technique pour faire des sites Web dynamiques avec des données introduites par le visiteur du site. Les hébergeurs proposent des éditeurs en ligne de "pages persos", basés sur des graphiques toutes plus moches les unes que les autres : le navigateur comme seule interface. Bientôt l'étape suivante est franchie, les hébergeurs gratuits offre la possibilité de mettre des pages dynamiques dans leur espace (souvent en PHP, 2001 en France), alors que des hébergements mutualisés peu chers existent déjà avec possibiité d'éxécuter des applications.
La technique est donc là, qu'en est-il des applications, des sites ? 1996 est l'année de Mygale, le véritable démarrage des pages persos. Les pages persos c'est bien, mais à cette époque le frein technique est important pour faire grossir un site. 1997 naissance de Slashdot, un portail d'information qui va inspirer des dizaines de développeurs au fur et à mesure de ses évolutions. La jointure du siècle (1999-2002 grosso-modo) représente la folie des portails (pompeusement renommés CMS) : Slash, Thatware, PHP-Nuke, PostNuke, Drupal, XOOPS, daCode... Ces portails remplacent la page perso, pas totalement cependant : la difficulté est encore là pour l'installation et la maintenance. Du côté des shplougs, LiveJournal a commencé en 1999, ainsi que Blogger, Manila, et tant d'autres. A cette époque quasiment tous sont des services hébergés. 2000 est l'année de naissance de Greymatter. En 2001 on trouve b2, Movable Type... combiné avec l'essor des hébergements accessibles financièrement (voire même gratuit), la page perso des temps modernes est enfin sur les rails : le blog. L'outil va supplanter (et de loin) tous les pseudos CMS, avec deux atouts principaux : le logiciel de blog est léger pour l'hébergeur (à comparer aux usines à gaz PHPBB et autres forums pour djeunz), le logiciel de blog permet à l'utilisateur de faire sa page perso facilement. L'outil "blog" a donc gagné, le principe du blog est lui mort depuis longtemps, alors, pourquoi 2005 ? Vous le saurez, une prochaine fois.