Concernant le projet de loi contre les propos homophobes ou sexistes, Jean-Paul Garraud avait proposé un amendement restreignant la capacité de se porter partie civile pour les seules associations reconnues d'utilité publique (en-dehors des individus directement concernés bien sûr dans le cas de propos nominatifs). Le texte retenu à l'heure actuelle se contente de restreindre ceci aux associations régulièrements déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, à la condition expresse qu'elles mentionnent dans leurs statuts la possibilité de combattre les violences ou les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle ou d'assister les victimes de ces discriminations.

Le cadre étant placé, arrive notre sophiste du jour, Alain Piriou, porte-parole de l'Interassociative lesbienne, gaie, bisexuelle et transexuelle, ou Inter-LGBT pour faire court. Concernant la première version de l'amendement, Alain Piriou a déclaré : autant dire que la loi ne sera jamais appliquée, puisqu'aucune association de lutte contre l'homophobie n'est reconnue d'utilité publique (source metro 08/12/2004). Monsieur Piriou nous dis donc que jamais, ni maintenant, ni dans le futur, une association de lutte contre l'homophobie ne sera dans la capacité d'avoir le statut qui était envisagé, c'est-à-dire être reconnue d'utilité publique. En clair, il estime qu'une association de lutte contre l'homophobie ne peut (ou ne doit, on ne sait pas) pas être reconnue d'utilité publique.

Cette affirmation étant fortement posée, on peut s'interroger désormais sur sa véracité. Voyons ce que nous dit le site service-public.fr :

Cette reconnaissance, accordée par décret en Conseil d'Etat, concerne les associations, dont la mission d'intérêt général ou d'utilité publique s'étend aux domaines philanthropiques, social, sanitaire, éducatif, scientifique, culturel ou concerne la qualité de la vie, l'environnement, la défense des sites et des monuments, la solidarité internationale.

Les conditions sont strictes :

  • une pratique d'au moins trois ans comme association déclarée,
  • la fourniture des comptes pendant cette période et un budget d'au moins 45 734,71 EUR
  • l'adhésion d'au moins 200 membres,
  • l'intervention sur un plan national,
  • des statuts conformes au modèle approuvé par le Conseil d'Etat.

La mission d'intérêt générale est évidente. Durée d'existence, pas de problème. Budget, sur l'exercice 2003-2004 par exemple, celui de l'Inter-LGBT était d'un peu de moins de 14.000€ après de substantielles économies. A noter que cette association refuse ostensiblement de demander des subventions par souci d'indépendance. Un petit effort du côté du budget n'est pas insurmontable, après tout, le budget minimal requis équivaut à peu près à deux SMIC à plein temps (sans locaux et autres fournitures), ce qui paraît raisonnable pour une association d'envergure nationale et qui se donne les moyens d'agir. L'adhésion d'au moins 200 membres ne devrait pas poser non plus trop de problèmes. Les statuts aussi ne devraient pas poser spécialement de problèmes : ils imposent un fonctionnement démocratique de l'association, la tenue à jour de la comptabilité, ainsi que d'autres clauses concernant la gestion saine de l'activité. Bref, rien d'insurmontable. La décision d'utilité publique est rendue par le Conseil d'Etat, et peut être évidemment refusée, ce qui provoquerait un tollé le cas échéant si les conditions satisfaisantes sont réunies.

Si le problème n'est donc pas pratique, il est peut-être plus idéologique, de la même veine que le refus des subventions pour cette association en particulier ? Ou juste de la mauvaise foi devant le temps que prend la reconnaissance d'utilité publique ?