Le quotidien gratuit Metro offre des tribunes libres à qui veut bien écrire. Enfin, c'était la théorie, au début. La mention qui le proposait a disparu et on n'a quasiment plus droit aujourd'hui qu'aux professionnels de la communication. Il reste néanmoins un point très intéressant dans ces tribunes : l'étalage de la mauvaise foi et du non-dit. La mauvaise foi est en générale tellement éclatante qu'elle en devient jouissive, d'où la naissance de cette catégorie 'Sophismes'.

On se souviendra par exemple de la tribune de Stéphane Lhomme, porte-parole du "collectif" (ou "réseau" on ne sait plus trop) Sortir du nucléaire, qui est un très bon exemple pour débuter. Le titre "la peste et le choléra" donne immédiatement la conclusion : le nucléaire est le pire du pire. Etant donné que nous sommes sur un extrême, cela doit être facile à démontrer. L'uranium qui nourrit nos centrales nucléaires est à 100% importé. Où est le mieux par rapport au pétrole ? La forme de la question ouverte permet de s'affranchir de toute argumentation, ce qui pourrait se révéler comme étant fatigant et moins percutant. L'argument qui suit est en dessous de tout, du niveau de la spéculation, et donc ne mérite pas sa place ici. l'Allemagne et l'Espagne, qui développent massivement les énergies renouvelables, montrent que ces dernières créent, pour une production identique, quatre fois plus d'emplois que le nucléaire. Rappelons que cet argument est là pour démontrer que le nucléaire est le pire du pire, et donc, qu'un système productif est une catastrophe.

On passe ensuite à l'attaque révolutionnaire : contrairement à ce que martèle la propagande officielle[...], le marteau n'est donc pas l'apanage des communistes ! S'en suit encore un argument spéculatif, et une petite démonstration : les solutions que nous proposons pour sortir du nucléaire sont justement les seules qui permettront de lutter réellement contre le réchauffement climatique, pardon, c'était juste une affirmation. Nous sommes sauvés, nous avons trouvé dans le monde des personnes qui détiennent les seules solutions au réchauffement climatique, et qui plus est ils sont contre les méchants. Les coupables sont heureusement là encore, désignés nommément : notre consommation d'énergie, artificiellement gonflée par les lobbys pétroliers et nucléaires [...]. Et c'est là le véritable talon d'Achille du texte, car il en est la conclusion. Toute l'argumentation bancale qui a été développée n'aura servi qu'à dénoncer les lobbys des méchants. Le titre "la peste et le choléra" tombe donc complètement à plat, ce n'est plus le nucléaire qui est la peste et le choléra, ce sont les humains qui font commerce de ces énergies. C'est le réel fil conducteur du texte, masqué par une rhétorique anti-nucléaire.

Ce que l'on constate souvent est que de bons arguments peuvent être anéantis par une mauvaise rhétorique, ce qui tend à déprécier la cause censée être soutenue. Cette tribune dans l'ensemble manque de rigueur, et on serait tenté de dire, de professionalisme dans la communication. L'impression s'est confirmée récemment dans France Europe Express où le bonhomme n'a pas mis 10 secondes à nous convaincre de son incapacité à mener une confrontation. A sa défense il avait en face de lui Anne Lauvergeon, un gros morceau (voir aussi cet article de l'Express en 2002).