Mauvais Genre c'est une émission sur France Culture sur l'actualité des genres. Dominique Véret est le co-fondateur "charismatique" des éditions Tonkam, qu'il a quitté en 2001, et désormais consultant travaillant entre autre pour Akata, la branche manga de Delcourt. Et en tout début, Véret dit sans tremblement aucun : "Et là on va commencer à sortir de la musique japonaise [...] avec Konci. Konci c'est deux boutiques de manga à Paris [...] et c'est des personnes qui importent du disque japonais par Hong-Kong depuis des années et qui maintenant choisissent de sortir des disques japonais directement avec les japonais et ils nous ont demandé d'être responsable éditorial". A priori rien d'anormal là-dedans, sauf que... il faut savoir que quasiment toutes les boutiques parisiennes (et pas seulement elles) qui ont surfé sur la vague manga étaient en difficulté au niveau de l'approvisionnement, pour une raison très simple : le prix de vente au Japon.

Si en France on aime se lamenter sur le prix du disque, il faut savoir qu'au Japon le prix est fixé par l'éditeur, et que le prix moyen du CD à sa sortie est dans la zone des 2.500¥ soit aujourd'hui 19,80€ (130F), mais il y a trois ou quatre ans, quand le franc n'était pas aussi fort, c'était plutôt de l'ordre de 170F. Comment vendre un album de pop à ce prix là plus les frais de ports plus la TVA au boutonneux qui vient de découvrir tout émoustillé le "phénomène manga" ? Impossible, pas en quantité suffisante. Alors il fallait trouver une alternative, le pays idéal est Taïwan, tout simplement parce qu'il n'a pas signé la convention de Berne et quasiment aucun accord intergouvernemental sur la protection des droits d'auteurs. Concrètement, il n'est pas illégal pour un éditeur taïwanais d'éditer des CD d'artistes japonais, coréens, français sans leur reverser un seul centime. Bien évidemment, il est interdit d'importer ces CD dans les pays (dont l'Europe, les Etats-Unis d'Amérique, etc...) qui ont des accords internationaux sur les droits d'auteurs avec les pays d'origine des œuvres (ici le Japon donc).

Ces éditeurs existaient avant l'intérêt du manga en France, leurs structures sont en place, et débarassés des droits d'auteurs, le prix est plus attractif : 15F avec transport compris l'unité si acheté en semi-gros. A partir de là, la suite est connue, on le revend à 100F (ce qui n'est pas cher pour un CD audio, mais pas assez peu cher pour faire penser à un import illégal), on fait les offres à un gratuit pour cinq achetés, et la consommation de CD de musique japonaise (pop, rock, anime essentiellement) est lancée, tandis qu'on se constitue un beau petit butin de guerre. Que vient faire Konci là-dedans ? C'est tout simplement la figure emblématique de ce système. En-dehors des mangas édités en France, quasiment toute la boutique était occupée à une époque par de l'import illégal, tandis qu'en vitrine étaient exposés des vrais imports Japon.

Mais ce n'est pas de cela dont Dominique Véret parle pudiquement en parlant des "imports de Hong-Kong", ceux-là ne concernent pas la musique. Le deuxième point noir c'est évidemment les séries animées, regardons une série récente, Saint-Seiya Hades. En édition japonaise, il faut compter sur 7 DVD pour un total de 51.600¥ (408€, hors frais de port), en édition pirate Hong-Kongaise, on peut le trouver en édition 2 ou 3 DVD aux alentours de 35€. Voilà la deuxième façon d'alimenter le marché. Et surtout, ne jamais signaler au consommateur que si la qualité est pourrie et que des logos bizarres apparaissent c'est parce qu'on vend du pirate (sans parler des marges).

Bref, c'est tout cet héritage peu glorieux, pudiquement évoqué en une phrase, se basant sur la tromperie du client et des marges inavouables, sur lequel s'appuie Konci pour lancer son activité d'édition.